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UNE PAGE D’HISTOIRE — UNE RENCONTRE ÉMOUVANTE au MAS SAQUÉ LA POUILLÈDE

Dernière mise à jour : 18 janv. 2023




L'automne 2022 a été marqué par la visite à Céret, de Adam et Alex - deux Gallois - descendants de l'aviateur Frank Griffiths qui parvint, en 1943, à quitter clandestinement la France occupée. Avec l'aide d'un réseau d'évasion dont l'ultime étape en France fut le Mas Saqué à la Pouillède et grâce au courage de ses habitants, Frank put, comme bien d'autres rejoindre l'Angleterre et reprendre le combat.





Alex Holland (55 ans, petit-fils de Frank et oncle d'Adam) et Adam Hart (21 ans, arrière-petit-fils de Frank)


Dans les pas de l'aviateur Frank Griffiths.

Le 22 octobre dernier, Adam Hart (21 ans, arrière-petit-fils de Frank) et Alex Holland (55 ans, petit-fils de Frank et oncle d'Adam) ont fait étape à Céret presque 79 ans, jour pour jour, après le passage clandestin de la frontière vers l’Espagne de leur ancêtre Frank Griffiths, le 27 octobre 1943. Les circonstances de ce passage sont celles d'une évasion, depuis la France occupée, d'un pilote britannique de la Royal Air Force vers l'Espagne grâce au Réseau de Résistance Françoise. Cette halte au Mas Saqué s'inscrit dans un périple plus long rapporté par l'aviateur dans son livre Winged Hours (éd. Kimber, 1981, ouvrage qui, à ce jour, n’a pas été traduit en français).


Comment débute cette incroyable et périlleuse évasion ?

Le soir du 14 août 1943, l'avion de Frank Griffiths décolle de Tempsford UK, base aérienne de la Royal Air Force, au Nord de Londres. Le 15 août, proche du terme de sa mission pour un largage en Haute- Savoie, l'avion en perte d'altitude essuie les tirs des troupes italiennes alliées de l’Allemagne qui, à cette date, contrôlent encore la frontière Sud-Est du pays. L’appareil s’écrase à Meythet tout près d'Annecy. Frank blessé, le bras cassé, sera le seul survivant de l’équipage de sept hommes.




Recherché par la gestapo, il va être caché avec l’aide de la Résistance et va bénéficier ainsi d'une incroyable chaîne de solidarité dans les Alpes. Il est conduit en Suisse pour y être soigné pendant trois semaines avant de pouvoir repartir. A l'issue de cette convalescence, il est pris en charge par Françoise (Marie-Louise Dissard, chef du réseau de Résistance "Françoise", basé à Toulouse). Elle va le conduire d’Annemasse à Toulouse où il est caché quelques jours, avec d’autres clandestins, avant son départ en train vers Perpignan. Un aviateur américain, Joe Manos, dans une situation similaire, fera aussi partie du voyage. Toujours accompagnés par Françoise, ils ont pour objectif de se rapprocher le plus possible de la frontière espagnole, par le train, en se fondant dans la masse des voyageurs.





Un travail de mémoire et de journalisme de terrain pour Adam

Comme en 1943, Adam et Alex se soumettent aux mêmes conditions que Frank : Ils traversent les mêmes lieux, marchent des kilomètres, dorment à la belle étoile. Grâce au récit de Frank Griffiths, relaté dans son livre et en s’appuyant sur les documents et les rares photos conservées, Adam et Alex ont pu suivre le même itinéraire, prendre contact et retrouver les descendants de ceux qui avaient aidé Frank en Savoie et dans les Pyrénées (Frank, du reste, avait conservé, après-guerre, des liens avec certains d’entre eux). En s’inspirant des clichés anciens, et lorsqu’il retrouve le lieu des prises de vue, Adam réalise des photos au même endroit et dans la même pause que Griffiths. Outre l'intérêt de retracer l'histoire familiale, ce périple constitue un travail de mémoire qui s’inscrit plus largement dans la Grande Histoire. Soulignons que Adam a fait des études d'histoire à l'Université d' Exeter et un master de journalisme à Cardiff. Il a de plus obtenu une bourse du journal The Telegraph pour écrire un article sur l'histoire du périple de son arrière-grand-père.

Céret comme ultime étape avant de passer en Espagne (de la France sous occupation allemande vers la liberté dans un circuit

qui suppose de traverser l'Espagne franquiste rejoindre Gibraltar,

puis ensuite Londres et poursuivre la lutte, contre le nazisme, en base arrière)


Comme Frank Griffiths l'avait fait en 1943, Adam et Alex arrivent à Perpignan en train et poursuivent leur périple, sac au dos, en marchant de Perpignan à Céret à travers les vignes. Le 27 octobre 1943, à la gare de Perpignan, Françoise avait simplement montré à Frank, l’aviateur britannique, et Joe, l’Américain, un homme qui portait un journal. Ils devaient le suivre de loin, ils avaient ensuite attendu sur un banc le retour de l'homme qui était allé évaluer le danger pour sortir de la ville. Cet homme c’est Antoine (Abdon, Paul) Saqué. Antoine était militaire de carrière dans l'armée de l'air et s'était mis en "congés d'armistice" en 1940 pour ne pas être incorporé au sein de la police de Vichy et ne pas collaborer avec l'ennemi. Il vivait à Céret, dans le mas de son oncle à la Pouillède, et travaillait, durant cette période, comme secrétaire à la mairie de Céret en attendant de rejoindre clandestinement les Forces de la France Libre (ce qu’il parviendra à faire en participant au débarquement de Provence). A la mairie de Céret, Antoine faisait de faux papiers, c'est là qu'il avait été contacté par des réseaux de Résistance comme le Réseau Françoise et le Réseau Charette, afin de faire passer en Espagne des personnes recherchées, tel que Frank Griffiths. Le Réseau Charette fut fondé par Michel Cailliau, neveu du Général de Gaulle. Michel et Pierre Cailliau, eux-mêmes, feront partie des nombreux résistants qui s’échappèrent en passant par la Pouillède pour arriver, tout comme Frank, dans les geôles de Figueras avant de poursuivre leur difficile parcours.





Antoine avait proposé à son oncle, Jacques Saqué, et son jeune cousin (également prénommé Jacques) d’aider l’organisation, ce qu’ils avaient tout de suite accepté au péril de leur vie et de toute la famille Saqué qui habitait à la Pouillède (6 personnes au total). Ce n'est pas par hasard qu’Antoine avait été contacté ces missions : depuis trois générations, les activités de forestiers de sa famille à La Casanova (maison de l'autre côté de la frontière) en faisaient de bons marcheurs robustes et discrets avec une bonne connaissance des chemins frontaliers. Le lien familial qui unissait les deux maisons - La Pouillède et La Casanova - fournissait un potentiel alibi aux nombreux déplacements sur ces trajets. Le mas, à La Pouillède, était idéalement placé pour servir de lieu de transit et de refuge aux personnes qui fuyaient l’occupation. A l’écart des routes principales, on pouvait y accéder sans aller jusqu'à Céret. Dans un creux et un méandre du Tech, les observateurs allemands qui, depuis la colline en face, scrutaient cette zone avec leurs jumelles ne voyaient que très peu de choses de la ferme. Enfin, depuis cet endroit discret, on pouvait partir dans la nuit en traversant la rivière sans éveiller les soupçons et rejoindre tout de suite les sentiers qui montaient vers la frontière, sur les crêtes des Albères. Généralement les candidats à l'évasion passaient une ou deux nuits à La Pouillède selon leur état de fatigue ; là, nourris et hébergés (ils dormaient à l'abri des regards dans la paille du fenil), ils reprenaient des forces avant le moment du départ. On leur procurait des espadrilles qui leur faisaient, dans la nuit, un pas plus léger et silencieux que les bottes d'aviateur. Pour Frank, cette ascension fut "brutale". En effet, en tout début de parcours, après avoir traversé le Tech et en remontant la berge sur l’autre rive, Frank s'était tordu le genou. Pour lui, et malgré le soutien des passeurs, la montée jusqu'à la frontière fut un enfer. Pour supporter la douleur, il eut recours aux "fatigue tablets" de son paquetage comme au vin généreusement fourni par l'oncle.


En arrivant à La Pouillède, sur les lieux où Frank s'était caché en octobre 1943, nos visiteurs, Adam et Alex, étaient très émus en découvrant la maison intacte, un roc de mémoire témoin du courage de ces hommes. Une émotion contagieuse qui toucha le petit groupe qui les accompagnait dans leur escale cérétane. Vite, nos deux Gallois étaient descendus sur la rive du Tech se tremper les pieds dans l'eau fraîche de la rivière pour apaiser les ampoules causées par leur long périple mais aussi pour convoquer le passé et retrouver les sensations de Frank au moment d’entamer l’ascension qui l’attendait.

Après une joyeuse collation sous les arbres du mas et des échanges chaleureux, Alex et Adam ont repris vaillamment, l’après-midi même, leur marche vers la frontière, mis sur la voie par l’un d’entre nous. La tradition d’accueil à La Pouillède était honorée.

La maison comme son environnement mérite d'être respectés et conservés, ils font partie de notre patrimoine historique et culturel. Ce lieu magnifique très rare de quiétude et de biodiversité est menacé par un projet routier comprenant un viaduc géant pour franchir le Tech à cet endroit. Ce projet qui sacrifie de très bonnes terres agricoles, va à l'encontre de la sobriété requise et des nouveaux modes de vie qu’il va nous falloir inventer. Depuis trois ans, l’association BIEN VIVRE EN VALLESPIR mène la lutte contre ce projet de plus en plus contesté : Gageons que la mémoire d’un passé de résistance à La Pouillède saura nous accompagner.

Marie-Laure SAQUÉ







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